La trinité 2/3 - Swordspoint
2eme livre de la trinité : A la pointe de l’épée de Ellen Kushner, qui a l’avantage d’être d’un seul tenant – même si on en voudrait plus – et d’être dans mon esprit affilié à Nightrunner par la maturité de ses personnages. A tord, cependant, tant les 2 univers et les 2 histoires sont très différents.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire au premier abord, ce n’est pas un univers de fantasy. Certes imaginaires, mais nul présence de magie ou de dragon ici. A la place, un univers romanesque qui évoque la renaissance et l’ère victorienne, avec une séparation des classes très marquée. Un monde en fait on ne peut plus simple : Une ville, 2 parties. Les nobles en hauteur, sur la colline, et dans les bords d’eau, dans les demeures abandonnées des nobles, les manants qui les ont investits depuis longtemps. Un lieu peu recommandable, dont certains nobles viennent timidement frequenter les abords en quête de frisson. Et puis il y a les bretteurs, ces hommes d’épée qui accomplissent des combats pour distraire les nobles et régler de manière honorable les conflits qui agitent les riches. Tout se règle à la pointe de l’épée.Tout est question d'honneur également. Une manière politiquement correcte d'assasiner, en somme.
Richard vu par Algesiras.
Richard est l’un d’entre eux. L’un des meilleurs ?Disons plutôt qu’il est l’un de ces vrais bretteurs qui risque sa vie lors des combats, accepte les duels à mort, et refuse le badinage, contrairement à certains bretteurs d’apparats qui ont depuis longtemps cessé de mettre leur vie en jeux et ne se battent même plus jusqu’au premier sang.
Dans son ombre, Alec, personnage fantasque s’il en est. Son passé et ses motivations sont un mystère. Grande figure aux longs cheveux qui le talonne comme une ombre provocatrice, dont chaque parole est un poignard venimeux à l’égard des autres. Il est la, et Richard le protège. Il est aussi son amant, et personne ne le cache.
Et puis il y a les autres personnages du bords d’eau : Sa logeuse, ses connaissances, les autres duellistes, les prostitués…. Un univers au clivage très marqué.
L’histoire raconte donc celle de Richard et d’Alec, celle de duels qu’il accepte. Et en parallèle, celle de Michæl, jeune noble des collines à travers lequel nous assistons à toutes ces intrigues de la noblesse qui se nouent et se dénouent avec subtilité. Et son attrait pour une dame qui le conduira lui aussi sur le chemin de l’épée.
Alec vu par Algesiras.
L’histoire dans on intégrité est telle celle, romanesque, d’un theatre dramatique. Tout se nous et se dénoue, et les plus petites histoires peuvent prendre de grandes proportions dans le monde de la noblesse. Un melodrame d'honneur, comme le dit le sous titre.
Ce qui me fait adorer ce livre ? Les personnages et l’écriture.
Richard est charismatique, mais Alec lui est fascinant. Ce personnage impétueux, imprévisible, qui flirte avec la folie, fascine dès le début. Sa relation avec Richard tout autant. On ne comprend pas pourquoi il est la, depuis quand il est avec lui, mais une chose est certaine : Richard lui passe absolument tout et le protège. Dès le début, on se trouve fasciné par ce personnage et on souhaite apprendre son passé et son histoire que même Richard ignore. Chacune de ses interventions est un délice.L'université, souvent évoquée à travers lui, intrigue aussi énormement, et on voudrait tant savoir ce qu'il s'y passe...
Alec et Richard vus par moi même.
Dans les collines, le personnage de Michæl, dont on suit le chemin en parallèle, à également son charme. Un jeune homme de la noblesse, mais vif et impétueux, qui s’oriente presque par hasard sur le chemin des bretteurs, le tout dans cette ambiance si particulière d’un monde de noblesse et de frivolités ou chaque phrase peut cacher quelque chose.
L’univers me charme lui aussi, par sa simplicité et son efficacité, qui va de paire avec l’écriture. Il n’y a pas de mots inutiles. Chaque phrase va à l’essentiel, les descriptions sont parlantes et instaurent un univers visuel très particulier. Les bords d’eaux sont fascinant, lieu abandonné dont la splendeur passée contraste avec les habitants actuels, les prostitués et les racailles. On peut parfaitement visualiser chaque lieu, et certaines scènes sont très visuelles, comme par exemple la toute première scène du livre, qui commence sur une goutte de sang tombant dans la neige fraiche…
Un livre qui se lit d’une traite et qui laisse toutefois un petit sentiment d’inachevé, tant on aurait voulu en savoir plus : Le passé d’Alec, les raisons qui lui ont fait quitter l’université, comment il aurait rencontré Richard, ainsi que le passé de Richard et plus encore sur l’univers, la ville…
La couverture de l'édition anglaise.
Malgré ce petit défaut, c’est un livre qui mérite amplement d’être lu, ne serait-ce que pour le fascinant personnage d’Alec qui vous hantera certainement après la lecture. Fangirl moi ? Jamais voyons.
Petit extrait à la fin du chapitre 6 qui témoigne de ce que j’aime dans l’écriture de ce livre :
Les cheveux d’Alec flottaient derrière lui comme une queue de comète. Richard courut pour le rattraper. « Je peux nous tirer de là, si tu veux », proposa-t-il d’un ton négligent. Pour toute réponse, Alec se contenta de baisser les yeux vers lui et de ralentir son allure à une véritable flânerie d’escargot. Le bretteur n’eut aucune difficulté à la suivre ; cela lui rappelait ses exercices de jambes.
Le chuchotement des chaussures des étudiants vint plus prêt sur le pavé, jusqu’à ce qu’un membre du groupe arrivât à la hauteur d’Alec. « Hé, lança l’étudiant sur un ton amical, je te croyais enfermé avec tes livres. »
Alec regarda droit devant lui et ne s’arrêta pas. Richard avait la main sur la poignée de son épée. Les étudiants ne semblaient pas armés, mais beaucoup de choses pouvaient blesser Alec.
« Hé, s’exclama un des garçons, tu ne serais pas… »
Alec baissa les yeux vers lui, et l’étudiant bredouilla de confusion. » Oh… jeu… Je t’avais pris pour…
– A tord », asséna Alec d’une voix étrange, une voix des bords-d’Eau qui troubla Saint-Vière. Elle s’avéra efficace, cependant ; les étudiants se regroupèrent et s’éloignèrent en toute hâte, et Richard retira sa main de son épée.
Liens :
D’autres articles sur le sujet qui donnent d’autres visions du livre. Sur Quadrant Alpha, sur Actu sf et sur Yozone. Dans les commentaires, certains n’aiment pas. Cela à la fois me surprend et ne m’étonne pas. Les gouts jouent pour beaucoup dans ce genre d’histoire.
A lire si vous aimez les relations et les personnages torturées, les histoires de personnages, les intrigues et les personnages un peu fou, et le slash.
Les autres livres de "la trinité des meilleurs livres qu’on aime plus fort que tout et qu’on pourra toujours relire avec amour sans parvenir à en choisir un en premier, plus sobrement intitulé « La trinité » (et dont le point commun est d’être tous dotés de héros attachants et accessoirement gay ) :