[Livre] Homo Japonicus
Dans mon dernier post, je mentionnais à plusieurs reprises Muriel Jolivet en chantant ses louanges et en me promettant de lire d’autre de ses livres. Chose faite avec Homo Japonicus dont je viens de terminer la lecture et qui a été, comme je l’espérais, des plus passionnants, même si au final, les propos écrits par Muriel jolivet elle même sont très minoritaire puisque ce livre est en fait un regroupement de témoignages d’hommes japonais. Les écrits de Muriel Jolivet en tant que tel sont les petites analyses en fin de discours qui reprennent les propos énoncés et les commentent de manière intéressante.
Ce livre à déjà quelques années – il a été édité en France en 2002 et les propos relatés datent des années 1996 / 98 – mais n’en reste pas moins d’actualité. Et même si la situation à changé aujourd’hui, lire sur cette période récente est une bonne manière de s’initier au sujet. (Et puis le prix à bien baissé et ce gros pavé est désormais au prix de 10 euros sur amazon).
C’est un gros livre de 560 pages, qui se découpe en plusieurs axes : Le travail au japon, les relations avec les femmes, les relations avec leurs enfants, et le dernier tiers du livre prend un tournant encore plus sociologique puisqu’il se penche sur les reclus du système et enfin sur les Sdf. Dans chaque partit, un japonais questionné en un ou plusieurs fois parle, librement, de ses ressentit et de ses idées.
Ce livre permet donc de découvrir le « vrai » japon, vu par les hommes, et uniquement eux. Je savais que le japon était un pays difficile, mais… Peut-être pas à ce point la.
Ce fameux travail « à la japonaise » donc, ou les heures supplémentaires sont normales, ou les gens travaillent tellement qu’ils peuvent mourir d’épuisement et font facilement des dépressions nerveuses. Des hommes qui n’ont au final rien d’autre dans la vie que leur travail, car une fois rentré chez eux, ils gênent : On les traite de meuble encombrant ou de feuille mouillée. Alors ils vont boire avec les collègues ou jouer au pachinko. La douleur de ces hommes qui ne sentent chez eux nul part est assez poignante.
La partie sur le travail évoque également la scolarité, et le cercle vicieux mis en place : Un enfant est poussé à faire sans cesse mieux et encore mieux, à fréquenter les cours du soir sans se reposer ni se distraire, pour ensuite travailler sans jamais avoir eut de réelle relation. Le plus souvent, sa mère le pousse ainsi parce que, au sein du couple défait par l’absence quasi perpétuelle du père à la maison puisqu’il travaille, la mère se rabat sur le fils. L’œuf ou la poule en somme, impossible de savoir ou à commencé le problème, mais il agit en boucle.
La mentalité japonaise concernant les sentiments et le rôle que doivent avoir les hommes et les femmes est aussi très bien dépeint : Les hommes sont éduquées par leur mère comme des enfants rois, et ils ne savent pas prendre soin de l’autre et l’écouter, aussi bien souvent ils ne savent pas s’y prendre avec les femmes, et vont même jusqu’à demander conseil pour savoir comment les aborder. Et au final, ce sont les vieux o miai, mariages arrangées, qui forment les couples…
Avant, les pères de familles étaient crains et respectés, maintenant, ils gênent et on le leur fait savoir. Une sorte de perte des valeurs ? Le père absent, totalement absorbé par son travail et qui ne sert qu’à ramener de l’argent au foyer, tandis que la femme gère les enfants et généré chez les petits garçons une sorte de mother complexe qui fait d’elle tout pour lui au monde et l’empêcheras pas la suite d’avoir une vie personnelle et sexuelles épanouie… Un serpent qui se mort la queue. Ce problème à pris racine dans l’après guerre, ou le pays, déterminé à tout reconstruire, à engagé tous ses bras dans le travail, laissant au foyer les femmes qui s’occupaient du reste, et posant les bases du shema actuelle qui commence à se craqueler et montrer le déplorable résultat de couples qui ne se connaissent pas et de famille ou le père est un poid.
Le comportement des hommes avec leur femme, qui cessent tout effort une fois marié, ne l’invite ensuite jamais à sortir, et font toujours passer leur mère avant leur femme, est aussi assez terrible. Le machisme japonais a cela de particulier qu’il est par exemple considéré par certains comme normal de battre sa femme. La vieille image de l’homme viril qui renverse la table du salon sur laquelle se trouve le repas est une image culte de la virilité japonaise. L’homme viril ne pleure pas, ne parle pas, il se contente de raller. Autant de préjugés qui emprisonnent les jeunes hommes et les empêchent d’être eux même sous peine d’être ennuyés. Si en France les hommes sont ennuyés par cette obligation de virilité ( Voir l’excellente théorie de la boîte sur sexactu) au japon cela atteint des sommet de non communication. Cette même absence de communication qui est entretenue par le cliché qui veut que le couple japonais n’ait pas besoin de se parler parce qu’ils se comprendraient de manière instinctive…
Il est aussi fait question des moyens de contraception, ridiculement sous développés au japon, qui empêchent les couples d’avoir une vie sexuelle sans risque.
L’identité sexuelle, le choix de ne pas faire d’enfant et les préjugés sont largement abordés dans plusieurs passages, notamment avec un couple gay, des transexuels, des travestis, mais aussi par exemple avec ce couple hetero ou le père se sent gonflé d’un puissant sentiment paternel inné, tandis que sa femme n’éprouve pas plus d’attrait que cela à s’occuper de ses enfants. Comme le dit cet homme « Si une femme ose dire qu’elle n’a pas d’instinct maternelle, elle sera houspillé, alors que ce sera très bien toléré chez un homme. C’est pour cela qu’elles ne le disent pas, mais au final, homme comme femme peuvent avoir la même envie de s’occuper de leur enfant, ou de ne pas s’en occuper. »
A travers toutes ces facettes évoquées via des hommes tous différents, on a accès a une vision du japon encore différente et surtout, révélatrice des soucis sociaux de ce pays, ou les hommes travaillent tellement qu’ils n’en ont plus de vie personnelle, tandis que d’autres, démunis, n’ont absolument aucun moyen de s’en sortir. Les Japonais sont très doués pour ne pas voir ce qui les dérange, et cela se ressent encore une fois dans le portrait dépeint .Mais ne jetons pas la première pierre, on est très bon aussi en France pour ne pas voir les SDF dans la rue, et les faits écrit dans ce livre peuvent se retrouver dans d'autres pays, bien évidemment.
Tout n’est pas noir dans ce livre et certains portraits sont très mignons et touchants. C’est dans tous les cas une lecture passionnante que j’ai dévoré avec une certaine rapidité, et que je recommande à tous ceux qui s’intéressent à la culture japonaise sous son versant social et moderne et désirent en savoir plus sur la societé japonaise en générale, mais aussi sur ces hommes méconnus. (Et moi maintenant j'ai envie de lire des mangas sur des salaryman, ah ah).
Et si vous avez la flemme de lire ce livre, cette vidéo le remplacera parfaitement, ou presque.