Le Hyakki yakō, les Yōkais, et Kawanabe Kyôsai

Publié le par Plumy

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Une version du Hyakki Yako, auteur inconnu. Fut mise en vente à 15 000 dollars sur ebay.

 

Dernièrement est paru « L’histoire illustrée des cents démons », leporello de 6 mètres au prix rédhibitoire mais que ma passion pour les yokais à renversé d’un revers de main, qui est une version du Hakki Yako, oeuvre emblématique sur le sujet. Mais avant d’en parler plus en avant, un petit cours de rattrapage.

Parlons déjà des yōkai. Qu’est ce que c’est ? On ne peut pas remplacer un mot par un autre et dire que les yōkais sont des monstres ou des fantômes, ça ne marche pas. Il faut considérer la barrière de la langue, mais aussi et surtout celle de la culture.

Le japon a ceci de particulier qu’il contient en son sein bon nombre de croyances et de religions. Mieux encore, il est tout à fait possible d’adhérer à plusieurs croyances à la fois. Initialement shintoïste, culte des kamis, le pays s’est vu imposer le bouddhisme au VI siècle, puis le christianisme au XVI siècle. Des ces religions, aucune n’a renversée la première en place : Elles sont juste venues se mêler harmonieusement à celles déjà présentes, apportant avec elle un bagage important de légendes qui vinrent se mêler à celles du japon.

Les histoires bouddhistes, mettant souvent en scène des moines bouddhistes luttant contre des monstres « yōkai », à bien contribué à implanter ces créatures dans la culture populaire. Quand au christianisme ? Lorsqu’en 1949, Saint François Xavier s’introduit au japon pour y introduire avec lui le christianisme, il se rendit compte qu’il l’avait précédé de 300 ans : Les bouddhistes en avaient déjà entendu parler, et l’avaient transformé en bodhisvatta de leur immense panthéon, sous le nom de « Inro Bosatsu ». Désolé Jesus, mais ici, on fait dans le polyteisme, et la culture est comme une grande soupe ou chacun rajoute son grain de sel.

 

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Sur Wikipedia, cette image est indiquée comme étant Kawanabe Kyōsai, mais l'image équivalente que j'ai dans mon propre lepollero...

 

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N'a rien à voir. Soit il y a erreur, soit il a réalisé plusieurs versions de la processions. Sachant que sur cette image, le titre est clairement  "Hyakki Yakō" (百鬼夜行) et non pas "Kyôsai Hakki gadan", c'est possible.

 

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Et pour le fun, une autre version. Oui, j'adore cette grosse tanuki qui se remaquille.Auteur inconnu.

 

Concernant les yōkais, que l’on peut regrouper sous le termes de « Mononoke » ou "Ayakashi", ils ne sont liés à aucune religions. Contrairement aux kamis, reliés au shintoisme, les yōkai sont liés à la culture populaire.Ils proviennent visiblement de la culture animiste des premiers habitants de l'archipel. Ils sont présents dans le Konjaku monogatari shū (今昔物語集, lit. « Recueil d'histoires qui sont maintenant du passé »), recueil de légendes et faits historiques du Japon ancien de l'Époque de Heian

 

Très en vogue jusqu'au XIX siècle, ils ont faillis disparaître lors de l’invasion de la culture occidentale et de la course à la modernité et à l’évolution, qui relégua au rang de vieilles superstitions inutiles ces créatures fantasmagoriques.. C’est le mangaka Shigeru Mizuki qui, par ses mangas, rapella aux japonais leurs racines et fit revenir au gout du jour les yōkais, qui sont aujourd’hui de nouveau bien implantés dans de nombreux manga, eux même culture populaire. C’est en ce sens que l’on peut vraiment l’apeller « le père des yokai » car il est celui qui a empêché leur disparition.

Pour en revenir aux yokais en eux même, il en existe de plusieurs sortes. Il y a les yokais objets devenus très vieux et vivants, les animaux ayant vécu trop longtemps ou ayant un pouvoir de transformation, les esprits de morts vengeurs, les sentiments des vivants qui se sont incarnés, et tant d’autres encore. La foule des mononoké est très dense et très diversifiée. C’est pour cela que le mot « yōkai » est difficilement traduisible. Le mot le plus proche serait "phénomène étrange" pour traduire ce terme générique.

 

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Indiqué comme étant de Itoshi Akira, cette image est pourtant identique au rouleau de Kawabnabe Kyôsai. Entièrement consultable ici.  Quels que soient les raisons de cette erreur, il est passionnant de comparer la version usée par le temps de l'image...

 

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... Et celle qui a retrouvée sa vigueur d'antan grace à cette réédition.

 

 

Le yōkai reste quelque chose de profondément japonais, populaire, et subjectif. Néanmoins, ils nous sont accessibles. Nous avons l’équivalent en France, en bretagne, sous la forme des korrigans. Les bretons comprendront du coup peut-être mieux l’essence du yōkai. Certains yōkais naissent d’un sentiment, d’un ressentit. D’autres sont justes un sentiment. Un de mes préférés, qui traduit bien cela : Beto beto san. Lorsque vous marchez la nuit dans le noir, et avez l’impression d’être suivi, c’est que Beto beto san est derrière vous. Il suffit de vous écartez, et de dire « Passez devant je vous en prie » pour qu’il vous laisse en paix. Il y a un yokai pour chaque sentiment inexpliqué qui vous a traversé : Ce frisson venu sans raison, ce bruit étrange dans le placard, etc… Et en cela, je ne parle que des yokais très populaires sans trop me fixer sur ceux issus des légendes.

Comme d'autres créatures d'histoires en d'autres époques, les yōkais ont bien évidemment servis à instruire les gens et surtout à les faire rester dans le droit chemin. Mais ils sont devenus bien plus que de simple incarnations des dangers qui nous guettents si l'on se comporte mal, pour se retrouver réellement incarnés dans tout ce qui entoure les japonais, qu'il soit vivant ou inanimé, rejoignant la la notion de Kami.

 

 

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Je pense que le meilleur livre pour s’iniviter aux yokai est le livre « Esprit et creature fabuleuses du japon – Rencontre à l’heure du bœuf » de Sylvain Jolivalt. Très complet et joliment illustré, il est autant instructif qu’agréable à lire et dépasse la 1ere curiosité sur les yokai.
Bien sur, on peut aussi citer le dictionnaire des yokais parut chez pika, mais il est uniquement illustré par Shigeru Mizuki, et donc les images tirées de ses mangas, ce qui limite donc aux yokais ruraux des campagnes sans aborder les autres aspects, il faut le savoir.Cela dit, ceux ci sont profondement représentatifs de ce qu'est un yokai.

 

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Une version du cortège bien plus récente par Audrey Kawasaki

 

Les yōkais donc, présents depuis bien longtemps, peuvent être symbolisés par cette peinture attribuée au peintre de cour Tosa Mitsunobu, XVI siècle : Le Hyakki Yako, le cortège aux 100 démons, illustrant la légende selon laquelle, certaines nuits d’été, les yokai forment une procession à travers la ville. Ceux qui les croisent sans la protection d’un sûtra mourrons au petit jour.
Il faut noter que si cette œuvre est considérée comme « l’originale », il semblerait qu’il y en ait eut des antérieures. Le Hyakki Yako a été redessiné à plusieurs reprises par différents artistes. Et c’est l’une de ces reproductions qui nous est parvenue en France grace à l’éditeur Humoir, Rieux-Volvestre (Haute-Garonne), dans la collection Atelier de bibliophilie populaire. Une œuvre au final assez ciblée et particulière que je n’aurais jamais espéré voir ici.

 

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Dans son fanzine Köhse, Sano offre une autre version de la légende du Hakki Yako.

 

La version a laquelle nous avons droit est une reproduction de Kawanabe Kyôsai, surnommé « le demon de la peinture » (Gaki), effectuée au XIX siècle et publié en aout 1889, quatre mois après sa mort. Sa version, nommée Kyôsai hyakki gadan , se différencie par un trait plus grotesque, des créatures inédites, et l’association en début de rouleau par une représentation d’un Hyaku monogatari, pratique expliquée au début de ce blog. Kawanabe Kyôsai était un peintre excentrique et amoureux de l’alcool, profondément anticonformiste.

http://img.photobucket.com/albums/v246/plumy/P1050007.jpgLa protection contient donc l'oeuvre repliée en accorderon et un petit livret explicatif.

 

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L'oeuvre revie comme à son époque, avec ces couleurs vives qui donneraient presque l'impression de toucher l'original. Le livret explicatif est bien écrit et comporte la traduction des propos tenus et début et fin du rouleau. Dommage qu'il n'y ait pas la liste des yokai présents dans l'oeuvre, s'aurait été certainement très interessants. Mais difficile à réaliser, certains ayants été inventés pour l'occasion, et tout définition pouvant être contredite.

 

Si je devais énoncer un bémol à cette édition, je soulignerais le fait que l’éditeur à un peu trop appuyée dans sa description et sa promotion sur le fait que Kawabe Kyôsai fut l’un des précurseurs du manga tel qu’on le connaît aujourd’hui : Tous les artistes de son époques le furent. Mais je comprend l’intention larvée derrière ces perches, à savoir toucher un plus grand public pour cette œuvre assez particulière dont le prix rebute.

 

L'histoire illustrée des cents démons : 49 euros, 46 sur amazon.

 

 

Quelques liens :

 

L'oeuvre de Kawanabe Kyôsai entièrement consultable en ligne : Ce lien est un petit bijou. Mais je ne m'explique toujours pas la dénomination de Itoshi Akira dont il a éccopé dans ce lien.

 

Un topic sur alliance magique : Tellement bien écrit que j'ai du me retenir de tout en retirer, ah ah. Il présente les yokais de manière plus documentée que moi, et en profite pour présenter quelques créatures pas forcement connues.

 

Je rappelle que les propos écrit ici sont le fruit de mes recherches sur le sujet : En conséquence, ils sont loin d'être fiables à 100%, ni disponibles pour être reproduits ailleurs. Ou alors, citez la source, merci.

Publié dans livres

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