[Yaoi] Under Grand Hotel
Under grand hôtel est, sans équivoque, un yaoi répondant aux clichés du genre, mais pas seulement. C’est aussi un manga qui se distingue par de nombreux points de scénario qui, même s’il présente parfois quelques faiblesses dans le raisonnement, propose une œuvre originale et intelligente.
C’est il y a peu que ce manga datant de 2009 à été édité en France chez Taifu, les opportunistes du yaoi qui vend quoi qu’il propose. Mais je vais éviter de trop cracher sur cette maison d’édition, car par ce biais on a quand même droit finalement à des trucs sympa. L’édition de Under grand hotel est d’ailleurs originale et sympathique car le format est plus petit que celui d’un manga normal et aussi plus épais, le volume proposant plus de 320 pages de lecture. Il semblerait que l’intégralité de l’histoire se tienne sur 2 volumes selon manga news.
L’histoire de ce manga se passe en huis clos dans une prison particulière située sous terre, complètement coupée du reste du monde, nommée « under ground hotel », et renommé avec ironie par ses résidents en « Under grand hotel ». Le héros, Sen Owari, est le seul japonais de la prison, et il s’y retrouve pour le meurtre d’un homme. Dans cette prison, il fait bien vite la rencontre de Swordfish, un grand basané dreadeux originellement boss d’un gang de dealer à brooklyn, qui s’est imposé comme l’un des chef à l’intérieur du microcosme de la prison, gérant pas mal des trafics internes de drogue, entre autre. Qui dit prison d’homme dit aussi relations homosexuelles, même si Swordfish se présente comme étant « bi » et « détestant les gays ».
Sans surprise, dès le début de l’histoire, Sen se fait agresser sexuellement par son colocataire de chambrée. Après tout, nous sommes dans un yaoi. Mais cette agression reste quand même logique : Ils sont non seulement dans une prison, mais surtout, son agresseur est un psychopathe écroué pour viol sur mineur et cannibalisme. De surcroît, son agression tiens plus du sadisme que de la satisfaction sexuelle pure. Suite à un concours de circonstances, c’est Swordfish qui va sauver Sen de cette situation. Après avoir été agressé une seconde fois – son statut de nouveau et de seul japonais de la prison en faisant une cible facile - celui-ci va, en toutes logique, va se mettre sous la protection du caid en lui offrant son corps en échange, pour se protéger des autres possibles agressions dans cette prison.
Leur relation est donc pendant un moment uniquement physique et violente. Lorsque Sen se laisse aller à être un peu délicat dans un baiser, Swordfish lui réplique que « Les lavettes, très peu pour moi. Alors, ne t’avise plus de m’embrasser de cette façon. » Pendant un moment, les choses vont continuer ainsi, et ce même si Sen prouvera qu’il est capable de se défendre seul et d’être lui aussi très violent pour sauver sa peau.
Evidemment, petit à petit, leur relation passionnée va se transformer en quelque chose d’un peu plus sensible, et de réels sentiments vont naître sous cette relation débutée de manière purement physique pour servir de défouloir à un caid en manque. Ce qui évidemment cause de nombreux soucis à tous niveaux, Sen devenant la cible des ennemis de Swordfish. A coté, des histoires de drogue, de changement de propriétaire, d’alliés passionnés etc viennent pimenter l’intrigue globale.
Ce que j’aime en premier lieu dans ce manga, c’est peut-être la cohérence de l’ensemble. Le plus souvent dans les yaoi, les personnages sont magiquement tous gays. Dans cette histoire, c’est justifié : ces hommes pour le plus souvent condamnés à perpétuité cherchent juste à se défouler sexuellement, ce qui explique l’ambiance générale et l’agressivité dont ils peuvent faire preuve. Les histoires de cul sont fréquentes, les histoires d’amour beaucoup moins.
Ensuite, d’un point de vue purement technique et sexuelle, 3 points sont très intéressants.
Le premier est que la notion de uke et de seme est totalement absente de l’histoire. Même si le traitement global est très yaoi est fantasmé, Swordfish n’a rien du seme sadique – c’est simplement un caid, un boss – et Sen est loin, très loin d’être fragile et le prouveras à plusieurs reprises : Même s’il se fait abuser plusieurs fois (A un contre cinq forcement) il peut être violent, a de très bon réflexes de survie etc.. .
Le 2eme point très intéressant, c’est que dans ce manga, les relations sexuelles entre hommes ne sont pas systématiquement des sodomies. Et ça, c’est vraiment précieux. Le mythe selon lequel deux hommes vont forcement se pénétrer et ainsi reproduire l’acte sexuel entre homme et femme est éronné, mais tellement pratique à mettre en scène dans les yaoi, ne serait-ce que pour reporter les fantasmes des lectrices. Mais dans cette histoire, il n’y a pas que ça. Ils peuvent se caresser mutuellement, se frotter l’un à l’autre, etc, et cela fait un acte en lui même, chose que je n’avais vu que très rarement dans des manga yaoi et que j’ai énormément apprécié.
Et le 3eme et dernier point est qu’ils utilisent systématiquement des préservatifs, et ça on ne le dira jamais assez, protégez vous dans l’acte sexuel ! (Ils le font à moitié pour ne pas tacher leurs draps, mais passons). Ce coté réaliste est aussi encore assez rare dans bon nombre de manga yaoi et donc très précieux.
Passons aux défauts de l’œuvre, car évidemment il y en a, même si j’ai beaucoup d’affection pour elle.
Je citerais en premier lieu les ficelles scénaristique parfois un peu trop facile, un peu trop téléphoné, qu’utilise l’auteur. C’est très regrettable car elle met parfois en scène des situations tendues très intéressantes qui se voient expédiées avec une facilité déconcertante pour laisser plus de pages aux scènes de sexe. Je pense notamment à la scène avec le caid rival de Swordfish que Sen désamorce un peu trop facilement et c’est vraiment dommage parce que cette situation, jouxtée à d’autres élements de l’histoire, apportait une tension folle !
Ou, à l’inverse, les situations sexuelles trop rapidement amenées. C’est dès le 9eme page que Sen se voit faire des avances par un autre personnage tout de même ! Et la encore une fois, la manière dont Lane le piège est un peu trop facile, on aurait attendu plus de méfiance de la part de Sen.
Ensuite, le scénario encore une fois un peu trop… facile ? Il y a à la fois des scènes à la violence excellente et très bien trouvée – Genre le personnage qui se fait déboîter la mâchoire pour l’empêcher de mordre en se débattant – et à coté, j’ai au final trouvé Swordfish trop doux, trop mièvre. Sa réputation, on ne parle que de sa réputation, mais au final, j’ai eut la sensation qu’il se reposait beaucoup sur ses lauriers. Des actes que diable, montrez moi pourquoi c’est un gros caid, un dur ! Certes quelques scènes vont dans ce sens, mais exceptée une scène bien précises, c’était à chaque fois la réputation de Swordfish qui lui donnait du pouvoir et non pas ses actes. Mais à force de jouer sur la réputation du personnage, on y croit plus trop… Sen lui est bien plus en actes que Swordfish au final !
Peut-être demande des éditeurs, peut-être contrainte de l’auteur, je n’en sais rien, mais on a parfois la sensation qu’elle a été bridée dans son histoire pour être ramenée sur les rails du sexe à intervalles régulières, et c’est dommage. Mais l’ambiance transparaît tout de même et le charme de l’univers et de l’histoire opère.
Ce soucis de scénario un peu trop facile se ressent encore plus dans les 2 ones shots finaux ajoutés en bonus à l’édition : Le premier passe, c’est une sorte de « scène coupée au montage » auquel on a finalement droit. Mais le 2eme… Hum, je ne vais rien dire et laisser aux potentiels lecteurs le plaisir de découvrir ce petit one shot WTF à la fin de ce premier tome, mais on sens que l’auteur à juste voulu se faire plaisir et dessiner des scènes précises sans se soucier d’une quelconque cohérence scénaristique. Ou encore une fois, demande précise d’un éditeur ?
Dernier point à mentionner, les grahismes un peu particulier de ce manga qui ne font pas si « yaoi » que ça pour 2 raisons. La première, c’est peut-être les décors qui reviennent régulièrement, travaillés et détaillés, de la prison. La 2eme, c’est le graphisme en lui même des personnages : La manière dont sont dessinés les corps, brutaux et massifs, les visages aux mimiques pas toujours sexy, les cheveux qui ne flottent pas en transparence loreal, l’apparition régulière de personnages pas toujours beau etc… Au premier abord, le dessin de Mika Sadahiro donne une sensation étrange et je me souviens l’avoir trouvé moche. Mais très vite, il se révèle être en parfait adéquation avec le ton de l’histoire et je trouve que Swordfish à quand même un sacré sex appeal. Malgré quelques bourdes, l’anatomie générale des personnages est maîtrisée aussi, et on est loin des éphèbes trop lisses que l’on peut trouver ailleurs.
En résumé, Under grand hotel c’est quoi ? Un yaoi viril et violent, qui malgré quelques faiblesses scénaristique se tiens très bien et est une de mes œuvres préférées dans ce domaine. Au vu de la violence générale de l’œuvre et des scènes de sexe très fréquentes et visuelles, je ne le mettrais tout de même pas dans toutes les mains. Taifu à collé un -16 dessus, j’aurai carrément mis un -18 ! (Oui, je me fait une fausse idée de la pureté des jeunes aujourd’hui, chut).
Et encore une fois à cause des scènes de sexe vraiment très fréquentes, ce n’est pas forcement le titre que je donnerais à quelqu’un pour lui faire découvrir le genre. Je pense que c’est un manga qui s’apprécie quand on a déjà un peu l’habitude de lire des yaoi et que l’on a envie de changer de ton et de goûter une histoire différente.