[Livre] Japon, la crise des modèles

Publié le par Plumy

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Dernier livre en date de Muriel Jolivet, auteur dont je vante les mérites dans le post des lectures légères, ou l’auteur choisi, après avoir abordé des près la mentalité et les attentes des hommes japonais, de se concentrer sur la jeunesse actuelle, la fameuse génération perdue, qui fait suite à la période glaciaire de l’emploi.

Comme toujours quand je lis un livre de cette auteur, j’ai passé un très bon moment, même si par moment, son manque de connaissance lorsqu’elle citait des œuvres précises m’a passablement agacée – oser comparer Nana et Hachi du manga éponyme Nana à un duo de goth lolita, juste non quoi – mais on ne peut être expert en toutes choses, et si elle n’a pas lu les œuvres en question, je peux comprendre que… (Et elle m’a drôlement donnée envie de me racheter la série Kimi wa pet dont j’avais lu le début il y a fort longtemps, à force de le citer).
Mais parfois, quelque chose, dans les termes employés, dans la manière de souligner un détail pour le ridiculiser, ou les commentaires comme je cite « Les gonguro, ou faces brulées (félées ?) » m'agace passablement. Un chouilla trop vieux jeu et condescendant, dommage.

C’est un livre sur la jeunesse japonaise au sens très large du terme, le terme jeunesse s’étendant jusqu'à la 30ene. En fait, j’ai été quelque peu déçue sur ce point : J’espérais un livre sur les mentalités, la cultures, les habitudes des jeunes de 15 à 23 ans, mais c’est au final une étude plus générale que j’ai lu la, avec notamment une chronologie précises et détaillée de la jeunesse japonaise des années 1970 à aujourd’hui. Un livre d’étude plus que d’ambiance. Mais je suis consolée par l’annonce, au détour d’une phrase, d’un futur « Tokyo Memorie 2 » de la part de l’auteur. J’ai hâte !

Parmi les points abordés dans ce livre se trouvent donc les études sous toutes leurs coutures, en allant de la manière dont certains jeunes japonais rallongent leur études pour rester chez papa maman, phénomène que l’on constate dans de nombreux autres pays riches, au clivage des castes sociales et à la démonstration par A + B que l’on a plus de facilité à effectuer de longues et belles études lorsque l’on vient d’une famille riche. Est aussi souvent citée l’apathie et la nonchalance de cette génération particulière de jeunes japonais ou les femmes veulent désormais plus et différent, alors que beaucoup d’hommes ont encore les mêmes attentes et attention que leurs ancêtres 30 ans plus tôt.

 

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La grande importance portée à la mode, aux vêtements et objets de marque luxueux (Perso j’ai jamais compris ce qu’on pouvait trouver à un sac Louis vuitton) et dans la foulée tous ces looks si caractéristiques du japon (Les gyaru, ces filles bronzées apparues dans les années 70 et toutes leurs dérivés, Yamamba, manba-kei, les jeunes habillés en kugurimin, ces grands pyjama / costume d’animaux, lolita et gosu loli, … ) sont évoqués et explicités, étudiés. Le thème des gyaru persiste d’ailleurs un moment puisque sur les clubs des gyaru, ou alors sur leur mode de vie et leur manière de s’organiser une fois qu’elles sont devenues mères (souvent célibataires).

 

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On apprend sur la jeunesse japonaise, mais aussi évidemment, au détour d’une remarque, sur des points de culture très précis. Amusant par exemple d’apprendre que les smileys de type « ^___^ » ou « T__T; » que l’on utilise désormais totalement spontanément proviennent de la culture des gyaru qui les avaient inventés pour « aider ceux qui ont du mal à exprimer leurs sentiments » et les nomment Kao-moji. Et Muriel Jolivet de renchérir en bas de page qu’elle connaît des femmes de près de 40 ans qui truffent leurs mails de ces kao-moji… ( J’avoue que personnellement, j’ai souvent grand mal à m’en passer lorsque je veux exprimer des ressentis personnels ‘_’; ).

La facette sombre de cette génération « désabusée » est mis en lumière via des références à de nombreux ouvrages, notamment ceux, évidemment, du connu Murakami Ryû. Déception d’ailleurs au passage car le premier ouvrage cité et rapidement décrit, nommé « Famille de fin de siècle », n’a pas été traduit en français alors que j’aurais adoré le lire, l’histoire narrant le démantèlement d’une famille qui semble unie mais ou, en réalité, le fils est hikkikomori, le père absent uniquement à son travail, la fille qui pratique des relations assistés (Enjo kyosai, système très proche de la prostitution assez courant au japon chez certaines jeunes filles pour se faire de l’argent de poche) et le mère qui essaye de tenir le tout dans un ensemble cohérent et harmonieux… Enfin, peut-être le sera t’il un jour ?

 

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Sont aussi mis en lumière après les hikkikomori les freeters, et tous ces jeunes gens qui, de prêt ou de loin, essayent d’échapper à une vie d’adulte mature en ne travaillant pas ou en restant chez leurs parents.

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C’est au milieu du livre que le thème bascule sur les jeunes adultes. La encore sont évoquées certaines « genre » de personne, comme par exemple les Himono Onna ou poisson séché , ces jeunes femmes qui présentent bien en public mais qui dans le privé se laissent beaucoup aller, en s’épilant le minimum possible ou en ne portant pas de soutiens gorge le dimanche par exemple. (Thème qui m’intéresse beaucoup, mais la lecture du premier tome de Hotaru m’a énormément agacée, je lui donnerait peut-être une 2eme chance, mais la fraicheur et l’impertinence d’une switch girl ne m’y ont pas semblé présente : J’avais plus l’impression de lire l’histoire d’une fille qui se comporte ainsi « parce qu’elle n’a riendans la vie » et non pas parce qu’elle veut être ainsi, ce qui change tout). Sont aussi évoquées les kamayatsu onna , ces filles qui s’habillent de manière confortable mais propre et qui ne cherchent pas à séduire ou à être spécialement mignonne.

 

A ce sujet, je cite un paraphe intéressant et pertinent :

Tolérance zero pour les femmes qui n’accordent pas à leur féminité la place qui est sencée leur revenir

Mirua Atsushi semble surpris par ces japonaises qui ont d’autres priorité que d’investir du temps (et de l’argent) pour répondre aux attentes des hommes.
Il leur reproche indirectement d’avoir trouvé une voie susceptible de les soustraire à la domination masculin, de ne pas accepter de rentrer dans le moule de la féminité (onnarashisa), et surtout de vivre au rythme qui leur convient (« my pace », comme on dit au japon), sans se préoccuper de satisfaire aux normes sociales.
Quand il leur demande d’évaluer leur vie, l’aspect pression sociale n’est pas pris en compte, et si seulement 50% des kamayatsu onna s’estiment satisfaites, c’est probablement parce qu’elles sentent les reproches indirects que la societé leur adresse. […]
On considère en général que pour qu’une femme soit heureuse, elle se doit d’être mince, belle et soignée, à quoi vient s’ajouter la notion qu’il faut se donner du mal pour y parvenir. Or, quand une femme investit la plupart de son temps (et de son argent) sur son apparence, elle laisse le champ libre aux hommes pour tenir les rênes du pouvoir.

Sur ce plan la comme sur beaucoup d’autres, quand je lis sur le japon, j’ai la sensation de lire sur notre propre société avec une loupe grossisante, ou avec un filtre qui aurait accentuées les choses qui sont plus diffuses chez nous et ou il est plus difficile de mettre le doigt dessus. En France, face à une femme qui s’habille de manière confortable et ne prétend pas chercher homme ni enfant, le comportement sera condescendant « ça te viendra » ou vaguement réprobateur « quand même à son age ». Au japon, il devient automatiquement répression sociale évidente.

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Matsukata, héroine de la série Hataraki man, parfait exemple de rokujô onna

Les rokujô onna, ces femmes belles et intelligentes qui mènent leur vie professionnelle avec vigueur, sont ensuite celles présentées, avec bien vite la conclusion sans surprise que, si elles réussissent ainsi, c’est parce qu’elles passent tout dans leur métier, s’occultant la possibilité de rencontrer un mari, et par manque de temps, et parce qu’elles font peur aux hommes, ceux ci préférant piocher dans le vivier des offices lady qui est avoué comme étant « une réserve à épouse » ou un o miai déguisé. De la à imaginer que ces petits postes presque inutiles de secrétaires qui servent le thé à ces salary man n’est qu’une manière de leur proposer un pannel de jeune fille ou piocher une épouse, il n’y a qu’un pas… Et quand bien même la loi sur l’égalité du travail devrait éviter ça, nombreuses sont celles qui, au final, sentent bien qu’on ne les considère pas plus que des OL.


On a finalement l’impression que seul 2 choix s’offrent aux femmes : Etre une gentille japonaise traditionnelle, travailler quelques années histoire de dire avant de se marier et devenir femme au foyer, ou tout passer dans son travail…

 

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Les femmes qui cherchent à se marier à un étranger qui sera plus attentif, les o miai (mariages arrangées ) qui quelque part arrangeaient peut-être mieux les taciturnes japonais car ils n’avaient pas à faire une demande qu’ils ne savent guère ou placer et supporter la possibilité d’un refus, ceux qui ne trouvent pas chaussure à leur pied pour diverses raisons… Toutes les facettes du mariages sont mises en relief, avec l’explication récurrente du fait qu’au japon, amour et mariage ne vont pas forcement de paire, et qu’un mariage est plus un contrat. De nombreux couple sont visiblement sexless sans que cela soit considéré comme un motif de divorce, et l’image la plus récurrente que j’ai retenu des femmes pour décrire leur mari est celle « d’un chien rassurant ». Si une femme française décrivait son compagnon ainsi…
J’ai personnellement trouvé le passage sur le thème du sexe un peu trop long à mon goût dans la mesure ou il ressassait des évidences à mon sens, comme le fait que les femmes ont aussi une libido etc, mais cela permettait évidemment d’orienter le sujet vers les femmes connues qui défendent ce genre d’idée ou les propos politiques ou revendicateur. Surtout dans un pays ou les couples font l’amour pour avoir des enfants, et souvent après, entre un mari épuisé par son travail intense et la baisse de libido que la transformation de sa femme en statu de mère à provoqué, l’occasion de faire du sport de chambre diminue forcement… D’ou la création et la généralisation de l’utilisation de host et des prostitués des 2 cotés pour pallier à ce désir sexuel.

 

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Alors, quel Host au menu ce soir ?

 

Les hosts et leur compagnie maligne qui pousse à dépenser plus, les prostitués masculins pour ces femmes délaissées, et tant d’autres cas de figures, c’est sur ce thème que porte le dernier chapitre du livre qui soulève un pan de voile sur un univers particulier.

C’est donc encore une fois un livre complet, intéressant et référencé que Muriel Jolivet live la, illustré en prime de dessin de ses élèves ou d’images venant de presse ou encore affiche de pub, ou graphiques pour appuyer ses propos, de l’utile et de l’agréable.

J’ai grande hâte du prochain Tokyo memorie, ou à défaut de réussir à mettre la main sur son vieux livre « Japon, un pays en mal d’enfant » que je ne parvient pas à obtenir.

 

Lien : Une petite interview de Muriel Jolivet à la sortie de ce livre.

Publié dans livres

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D
<br /> Moi, tout ce que je vois de cet échange c'est que quelqu'un a fait un gros Hors-sujet en voulant montrer qu'il a raison, et que certes il a des défauts moindres mais qui font quand même bien mal<br /> aux yeux tellement ils sont présents.~<br /> <br /> J'ai pas spécialement envie de me lancer dans le débat, je suis très peu féministe, bien au contraire mais le côté "non les femmes sont favorisés" m'ont beaucoup beaucoup fait rire. Sérieusement,<br /> on peut aussi dire que la nana a qui on offre tout ce qu'il faut dans le MMO, c'est simplement parce qu'il n'y a pas énormément de fille dans ce réseau comme il a été dit. Va à un concert de visual<br /> kei, le public est à 90% féminin, les garçons sont chouchoutés comme des idoles, au même titre que le serait des filles dans un milieu comme le MMO.<br /> <br /> Mais sur des faits plus importants que de pouvoir récup des méga-potions dans un jeu, les femmes sont loin d'être avantagé, à diplôme égale, la femme aura quand même un salaire moins élevé, etc.<br /> Pour en revenir à la jeunesse japonaise (c'était quand même le sujet), la raison pour laquelle plus de fille japonaise vont à l'étranger que de garçon est toute simple. En troisième/quatrième année<br /> d'université, les entreprises commencent à aller voir les prochains diplômés...sauf que les filles passent après. Une fille qui va à l'étranger un an, aura toujours les mêmes difficultés qu'une qui<br /> ne sera pas partie. Un garçon qui part à l'étranger un an, peut se faire flinguer sa promotion dans une entreprise. S'il part, ce sera aussi dans un pays anglophone pour faire beau sur le cv alors<br /> qu'on attend pas d'une fille de parler une autre langue la plupart du temps...Et j'ai pas mal d'autre exemple en tête, etc~<br /> <br /> Enfin bon, c'était une parenthèse un peu longue mais le livre a l'air assez intéressant. Superficiel mais j'aime beaucoup la couverture. Et plum', si t'es intéressé par Murakami, hésite pas à lire<br /> ses livres déjà sortis en France, c'est vraiment très très bien. Je peux t'en conseiller quelqu'un si tu en a envie~<br /> <br /> Kimi wa petto, c'est bien<br /> <br /> <br />
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B
<br /> Addendum d’honnêteté : il suffit que j’écrive quelque part que je n’ai jamais vu une « vraie » fille dans un MMO, pour qu’une de ces créatures se pointe dans ma corpo. Mais ça n’enlève rien au fait<br /> que les mecs restent incroyablement majoritaires (je ne vais pas sortir une stat de nulle part mais mon estimation perso doit se situer entre 90% et 98%).<br /> <br /> <br />
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B
<br /> Sur l’évolution de la virilité, je suis d’accord. J’estime que nous vivons une époque de décadence, due à la saturation d’un système. Les dérives actuelles de la virilité, comme celles de la<br /> féminité, ne sont que des symptômes de cette décadence. Ce qui ne veut pas dire que je regrettes le passé, mais simplement que l’état actuel des sexes n’est que transitoire.<br /> Quand à l’oppression des femmes, je ne te ferai pas l’offense de te présenter quelques memes anti-féministes bien connus sur la toile. Mais pour faire court, je ne pense pas que les femmes soient à<br /> plaindre par rapport aux hommes, aujourd’hui. Elles bénéficient au contraire d’une image bien plus favorable et de réactions naturellement bienveillantes (ce qui explique d’ailleurs en bonne partie<br /> le fait que beaucoup de hcg choisissent des avatars féminins), et cela se vérifie aussi bien à l'embauche que dans d'autres circonstances (accès aux soirées, etc...).<br /> <br /> Que tu le veuilles ou non, ton post présente une vision des choses, une interprétation de la réalité, ce qu’on appelle une analyse. Ne t’étonne pas si des personnes te lises et réagissent, voir<br /> contredisent cette analyse.<br /> Après si tu ne veux que des « bravo », « c’est bien », il serait plus simple de fermer les commentaires et d’ajouter un simple bouton +1/like, comme choisissent de le faire biens des blogs.<br /> <br /> Et mon discours vise justement à élargir la vision des choses présentée dans ton article, en liant les phénomènes étudiés à un contexte économico-social particulier : la mondialisation. Après si tu<br /> ignores volontairement cet aspect des choses, ne t’étonne pas d’émettre une opinion erronée des choses, aka le féminisme.<br /> <br /> P.S. Oui, je suis arrogant et désagréable. Et ce ne sont là que deux de mes moindres défauts.<br /> <br /> <br />
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P
<br /> (Brotch, posteur plus rapide que la lumière)<br /> <br /> Comme je ne m'interesse pas spécialement aux histoire de capitalisme / mondialisme et que je suis une fille, ça fait 2 trucs sur lesquels je serais bien en peine de te répondre. Mais ce n'est pas<br /> parce que toi tu n'a jamais croisé de fille qu'il n'y en a pas. Sur le serveur mumble ou je vais régulièrement y'a plusieurs filles, pas mal de mes potes sont accro de MMO etc etc.<br /> <br /> Cela dis, je ne pense pas que le modèle ancestral de la virilité est mort. Plutôt en train de muer. Et forcement, ça ne se fait pas sans mal. Mais bon, je ne peux parler que de ce que je connais,<br /> je te laisse le plaisir de t'exprimer sur le sujet que toi tu connais. Et pour ce qui est des postes à responsabilité, je me contenterais de citer le dicton qui dit "que le jour ou une femme<br /> incompétente sera dans un poste à responsabilité, la il y aura réellement une égalité des sexes".<br /> <br /> <br />
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B
<br /> Un dernier mot. Je pense que les hommes sont en première ligne face à ces changements et sont les premières victimes du nouveau modèle capitaliste/mondialiste. Ils sont largement majoritaires sur<br /> le « deep internet », et dans les MMO en particulier (croit-en mon expérience, j’ai jamais croisé une seule fille sur Mumble/TS, et j’ai pourtant écumé pas mal de guildes/clans/corporations depuis<br /> 12 ans). Ils sont également beaucoup plus nombreux à mettre fin à leurs jours.<br /> <br /> Je ne dis pas, à la suite de Zemmour, qu’une tyrannie féminine nouvelle est à l’œuvre. Je dis que la mort du modèle ancestral de virilité, laisse l’homme dans une situation de vulnérabilité<br /> particulière, qui se traduit chez nombre d’entre eux, par un refus radical de la norme, parfois de la sexualité (herbivores), voir carrément du monde (réclusion). Chez certains autres, c’est<br /> l’inverse qui se produit, d’où augmentation des phénomènes de machisme primaire violent,<br /> <br /> Voilà pour ma lecture sexiste (côté masculin), de la mondialisation.<br /> <br /> Côté femme, je ne sais pas trop. Je pense que le fait qu’elles réussissent mieux leurs études, traduit une meilleure adaptation au nouveau modèle. L’augmentation rapide du nombre de femmes aux<br /> postes de responsabilités, tendraient aussi à montrer qu’elles prennent le relais.<br /> <br /> <br />
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