Bakuman – Reportage déguisé en manga
J’aime beaucoup Bakuman. C’est une lecture que j’apprécie, et il fait actuellement parti des mangas dont j'attend la publication de la suite avec impatience. Pourtant, je n’en aime pas particulièrement les personnages, voir pas du tout. Mais le contexte de l’histoire suffit à rendre la lecture passionante.
Bakuman est le dernier manga dessiné par Takeshi Obata. Ce simple nom justifie à lui seul la lecture : Obata est un dessinateur extrêmement minutieux, patient, qui crée des planches soignées avec un très fort sens du lieu, rendant les endroits visités réels et comme palpables. Le dessin de ses personnages est également très soigné et expressifs, et il évolu dans chaque oeuvre, adaptant son trait à l'histoire. Et lorsque le sujet traité par le manga est justement l’envers du décor du métier de mangaka et de la pre publication japonaise dans son ensemble, on a alors droit à une véritable visite guidée de ce qui, personnellement, me fait rêver et me passionne.
Un studio de Mangaka tel qu'il se présente la plupart du temps : Le "maitre" dessine les personnages, les assistants posent les noirs, les trames, les décors et les effets. Le partage des taches dépend des mangas : La ou Oba (One pièce) dessine encore énormement de choses, Togachi (HunterXHunter) ne dessine que les personnages principaux, laissant le reste aux assistants.
L’Histoire en tant que tel se suit, même si souffrant de quelques handicaps sous la forme de héros résolument anti charismatique – des ptits cons qui s’imaginent plus intelligents que tout le monde – et de faiblesse scénaristique quand a la motivation initiale du héros – Ho, et si je vivais une romance sans se toucher et sans se parler avec la fille sur qui je fabule depuis des années mais à qui je n’ai jamais parlé ?. Je suis partiale dans cette description quelques peu exagérée de l’histoire, mais c’est l’effet qu’elle me laisse. De toutes manières, Tsugumi Ohba, le scénariste de ce manga qui a aussi été celui de Death note, est plus connu pour l’efficacité et la rigueur de ses scénarios très bien ficelés qui réussissent à nous tenir en haleine dans des contextes qui, de prime abord, ne s’y prêtaient pas réellement, que pour ses personnages qui sont le plus souvent relativement creux : Raito, le héros de Death note, ne souffrait il pas déjà de cette caractéristique, ne présentant aucune passion particulière dans la vie ni aucun véritable trait de caractère propre et dehors de son rôle de bon garçon et de Kira ? Cela n’a pas empêché l’histoire de tourner et de se révéler passionnante.Et même si, encore une fois, il use de la ficelle du "Personnage rival un peu freak et décalé qui est le seul à pouvoir vraiment rivaliser avec le héros" et que cela à un gout de déjà vu dans le personnage de Niizuma, la sauce prend.
Les personnages de Bakuman dessinés par Usamaru Furuya. Tiens, Miho a gagné un caractère.
L’autre handicap majeur de Bakuman, qui à certains moments à manqué de me dégoûter du titre, c’est son machisme primaire. Miho est une poupée silencieuse qui endure sans se rebeller dont la seule qualité est l’adorable garde robe ou j’irais bien piquer quelques mignonneries, son amie se fait plus remarquer par ses formes et son manque de volonté et d’imagination que par d’autres qualités, et la seule rivale féminine que les héros croisent est une petite pimbêche prétentieuse qui ne sait scénariser et dessiner que des histoires dégoulinante de mièvrerie : L’image de la bd de fille faite par les filles, encore une fois. Car il est bien connue que les filles n’excellent que dans le sentiment et le romantisme, n’aime pas la violence, et, le meilleur de tout made in Bakuman : Les hommes ont des rêves que les femmes ne peuvent pas comprendre. Bravo Bakuman, tu gagne le 1er prix de la réplique la plus tuante de cette année !
Après en avoir parlé avec diverses personnes – autant des amis que des inconnus – il s’est avéré que ce machisme qui moi me choque est passé comme inaperçu ou quantité négligeable pour nombre de garçon. Pas parce qu’ils estimaient que ces crétines de filles méritaient bien leur place : Parce qu’ils ne le voyaient pas, tout simplement. Parce que effectivement, ça se passe ainsi, au japon.
J’imagine que certaines choses sont plus flagrantes que d’autres, mais il me semble difficile de passer à coté de ce coté la de Bakuman. Pourtant, il n’est que rarement évoqué. Jusqu’à présent, je n’ai vu que Le blog d’étude de la culture visuelle moderne et Raisons et sentiments à en toucher un mot.
A ce niveau, je vous parle donc d’un manga machiste aux héros sans intérêt. Ils semblent manquer cruellement de passion dans ce qu’ils font, cherchant la victoire plutôt que l’accomplissement d’une histoire qui leur tiendrait à cœur – fait qui, personnellement, me met très mal à l’aise. Tout pour me déplaire, et pourtant, il me passionne. C’est la que l’on reconnaît la touche de ce duo capable de mettre en scène quasiment n’importe quoi de manière intéressante.
Reprenons l’histoire de manière objective : Elle narre les péripéties e 2 jeunes hommes, dont le but est de concrétiser un manga et de le voir adapté en dessin animé avant leur 18 ans. De son coté, la petite amie relation longue distance du héros se doit d’être devenue une seiyuu reconnue pour avoir un rôle dans leur animé. Voilà le topo global dont, au final, on se fiche bien : Ce qui nous intéresse, ce sont tout ce que devront faire les héros pour arriver à leur but. C’est une véritable visite du monde de l’édition que l’on fait la… Qui, de surcroît, n’est pas totalement neutre.
Shinta poussant ses collègues à venir manifester leur mécontentement au bureau même du Jump. C'est le seul personnage que je trouve réaliste et sympathique dans cette histoire. J'éspère qu'il restera longtemps !
Car c’est la que se trouve le second intérêt de Bakuman : Les prises de positions des auteurs, qui dévoilent et dénoncent, jamais de manière particulièrement flagrantes, faisant parler leurs personnages ou les situations pour eux. Lorsque les héros discutent du système de sélection des mangas du shonen jump et le remettent en cause, nous faisant nous même réfléchir à ce système de sélection, ou lorsque l’on voit ce à quoi Miho se voit contrainte pour accéder à son rêve, ou encore à travers le personnage de Nakai, homme adulte condamné à être assistant depuis des années et des années… Rien n’est officiellement dit, mais les dénis sont suggérés, et l’on se prend à réfléchir à tous ces systèmes et à ce qui pourrait y être amélioré.
Alors qu'il devient de plus en plus courant de lire des mangas en france,je trouve logique et interessant d'en savoir plus sur leur monde de l'édition si particulier, notamment concernant les shonens fleuves. Combien de fois les lecteurs se sont-ils plaints de situations abracadabrantes, ou de non fins baclées (Shaman King ?) et insultent les auteurs sans savoir que derrière se trouve un éditeur qui lui aura demandé de dessiner tel ou tel situation, ou aura justement refusé tel ou tel dévellopement scenaristique ? Je pense notamment aux Clamps, dont la série X est en stand by depuis plus de 10 ans, puisqu'elles ont refusée de dessiner ce que leur demandais leurs éditeur, tenant à faire leur histoire à leur idée. Mais tous le monde n'est pas Clamp et ne peut se permettre d'agir ainsi : Il faut plaire au public, monter dans les votes, et ce n'est pas, au final, l'histoire avec la meilleure qualité qui continuera le chemin. C'est un monde difficile et sans pitié.
Les couvertures, très soignées, fourmillent de détails et donnent le ton du graphisme. Je ne me lasse pas de les admirer avant d'entamer la lecture proprement dite !
Bakuman est donc une lecture instructive à tous niveaux, tant sur le monde de l’édition du manga que sur les mœurs japonaises qui y transparaissent en pointillé. Une lecture qui passionnera ceux qui s’intéressent à cet univers, mais qui risque d’ennuyer ceux qui de base n’ont pas d’intérêt pour l’arrière des coulisses.
10 tomes sont actuellement parut au japon, la publication française en est au 4eme, aux éditions Kana.